NOS NEUF PETITS ROUMAINS DOIVENT ARRIVER CE SOIR (Belgium)
NOS NEUF PETITS ROUMAINS DOIVENT ARRIVER CE SOIR
CLAEYS,JANINE
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Mercredi 10 janvier 1990
Nos neuf petits
Roumains doivent
arriver ce soir
Enfin? Les neuf enfants roumains adoptés en Belgique par des parents qui n'ont plus eu de nouvelles depuis le 31 mai 1987 - si l'on excepte ces derniers jours - sont sur le point d'arriver. Sans doute ce soir vers 20 heures. Et les parents sont sur le point de craquer. Depuis le 23 décembre, quand Ceausescu a pris la fuite, ils dorment à peine, rassemblent des vivres et les font acheminer vers les deux orphelinats de Bucarest où vivent leurs enfants, téléphonent à leur avocat de Roumanie, et ont été sérieusement aidés, à Bruxelles, par le ministre Eyskens et son chef de cabinet Reyn.
«On n'y croyait plus, on était devant un mur.» Jean-Jacques et Virginie Herman, les parents d'Aurélien, avaient en quelque sorte décidé qu'à partir du 25 février prochain, date du quatrième anniversaire de leur fils, ils renonceraient. Et tenteraient de donner un autre petit frère à Cecilia, leur petite Guatémaltèque de treize mois, arrivée en Belgique à trois mois.
Quel bonheur! Et toute la famille, grands-parents, arrière-grand-mère, s'y est mise: on s'occupe des dragées, on brode des drapeaux, on prépare la grande fête. Jean-Jacques et Virginie ont déjà pris rendez-vous avec un pédiatre et aussi avec le directeur de l'école, pour lui demander conseil: ne serait-il pas judicieux que leur fils, qui ne connaît pas le français, aille à l'école une seule heure par jour?
Les petits Français
ont été les premiers
Pourquoi donc ces neuf petits Roumains arrivent-ils en Belgique quelques jours après la soixantaine de petits Roumains arrivés en France la semaine passée? On dit que leurs dossiers se trouvaient au Conseil d'Etat, un des bâtiments qui a brûlé... (Heureusement, Me Simon Reich, leur avocat, avait pris la peine de réactualiser tous les dossiers, qu'il a suffi de faire parvenir de Belgique). Mais beaucoup se demandent si, tout simplement, la présence des ministres français en Roumanie «dès le début» n'a pas donné une certaine priorité aux parents français.
Vingt-sept petits Roumains avaient été adoptés par des Belges, en deux ans. Et tout à coup, en 1987, les frontières s'étaient bloquées. Même ceux pour lesquels toutes les formalités d'adoption étaient terminées, comme Aurélien, qui avait quinze mois à l'époque. En août 1988, il y a encore eu huit sorties vers la Belgique, après une longue campagne internationale. Puis plus rien. Elena Ceausescu, qui supervisait la «politique familiale», trouvait que la Roumanie n'était pas assez peuplée... Ce serait la raison qui aurait, aussi, fait interdire tout avortement, toute contraception.
«Il paraît qu'Aurélien est la coqueluche de son orphelinat. Il est tellement mignon... Nous le savons parce que des parents sont allés ces derniers jours à Bucarest, en camion ou camionnette, pour apporter des colis. Ils sont allés voir tous les petits Belges - sachez que Flamands et francophones, croyants et athées, nous avons constitué un vrai groupe -, ils ont fait des photos, des films. Nous avons aussi appris que notre fils, qui n'était plus dans l'orphelinat des tout petits, devait suivre des cours de patriotisme, et on leur apprenait à marcher au pas!»
Les familles belges ont été très déçues de notre ambassade à Bucarest. Raison, sans doute, pour laquelle elles se sont rapidement tournées vers le ministre des Affaires étrangères, Mark Eyskens, et son chef de cabinet. «Ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient, ils nous ont informés au jour le jour, ils ont compris que nous voulions voir nos enfants au plus tôt. Le ministre nous a même téléphoné, le 31 décembre, pour nous souhaiter un bon Réveillon. Nous avons aussi, depuis toujours, été soutenus par Lola Bobesco...»
La maison de la famille Herman, avec un merveilleux sapin de Noël, la chatte persane Ophélie, le bon air de Sterrebeek, attend Aurélien, comme si elle avait été inventée pour lui. Même, ses parents, qui se sont remis à fumer (cigarette sur cigarette!) par nervosité, ont juré que dès qu'il serait là, ils étaient prêts à refaire l'effort d'arrêter...
JANINE CLAEYS.
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