Trafic d'orphelins congolais en Belgique: que s'est-il passé exactement?
Trafic d'orphelins congolais en Belgique: que s'est-il passé exactement?
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Baptiste Lambert
03-12-16
© Aangeboden door Definitive Groove NV
La cabinet du ministre de l'Aide à la jeunesse de Rachid Madrane (PS) s'est retrouvé au milieu d'une tempête médiatique et judiciaire jeudi passé. Le parquet fédéral avait en fait perquisitionné le cabinet dans le cadre d'une enquête du parquet fédéral sur un trafic de mineurs, provenant de République démocratique du Congo. Une procédure "normale" a reconnu le ministre qui chapeaute les adoptions en Fédération Wallonie Bruxelles.
Au cœur de l'enquête, une Belgo-congolaise. Elle est la directrice de l'orphelinat Tumaini qui s'occupe d’accueillir les orphelins congolais avant leur potentielle adoption par des familles belges. Elle a aussi travaillé en tant que juriste pour la Région wallonne et s'est même présentée sur une liste du Parti socialiste pour les élections européennes de 2014.
Le parquet s'est intéressé à cette femme originaire de Namur en novembre 2015 déjà: c'était dans le cadre de procédures d'adoption internationale, elle devait remettre des enfants à des familles belges. Elle ne s'est pas exécutée et est suspectée d'avoir enlevé et détenu onze enfants orphelins en vue de récolter une somme importante d'argent. Les enfants ont finalement été remis aux familles belges après quelques pressions diplomatiques.
Mais le parquet dispose de nouveaux éléments contre la juriste belgo-congolaise: un second dossier est donc ouvert et vise précisément Mme J.M.L.. C'est dans ce cadre que des perquisitions ont été menées jeudi matin. Selon le communiqué du parquet, "huit personnes ont été interpellées" et "une personne a été privée de liberté", il s'agit de J.M.L.. Elle a été inculpée de prise d’otages de mineurs, de trafic d’êtres humains avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis envers des mineurs d’âge, et de faux et usage de faux en écriture.
© Aangeboden door Definitive Groove NV
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Et le cabinet de Madrane (PS) dans tout ça?
Mais que vient faire le cabinet de Rachid Madrane (PS) dans toute cette histoire? Eh bien M. Madrane est en fait le ministre de tutelle de toutes les adoptions en Fédération Wallonie-Bruxelles, c'est dans ce cadre que son cabinet a été perquisitionné.
Au micro de la RTBF, il s'en est expliqué jeudi soir assurant que cette procédure d'enquête était "normale": "On a collaboré parfaitement avec les autorités judiciaires dans des dossiers qui se clôturaient au moment où j'arrivais."
En effet, le ministre a pris ses fonctions en juillet 2014. Or à cette époque, le ministre assure que tous les dossiers qui concernent des adoptions d'enfants au Congo sont bouclés et que toutes les procédures sont terminées. En fait, il ne manque plus que la venue des enfants dans leur pays d'accueil.
Un moratoire bloque les enfants
Mais "un moratoire avait été décidé par les autorités congolaises quelques mois auparavant sur les adoptions internationales après que des manquements dans les adoptions par certains pays avaient été constatés", a expliqué M. Madrane. Son cabinet nous précise que ces manquements concernaient surtout des cas d'adoptions aux Etats-Unis, "les critères en Belgique étant eux beaucoup plus strictes et sérieux". Toujours est-il que le moratoire se met en place à partir du mois de septembre 2013 et bloque les orphelins au Congo.
Douze familles belges sont concernées, trois néerlandophones et neuf francophones. Et onze enfants restent bloqués sur place dans l'orphelinat. Les familles belges attendent pourtant depuis deux ans et payent des sommes importantes destinées aux enfants et à l'entretien de l'orphelinat.
Pressions diplomatiques
Parallèlement, à cette époque, le ministre Madrane et le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) usent de tous les moyens diplomatiques pour forcer la venue des enfants en Belgique. Certaines familles commencent à perdre patiente et décident de ne plus payer.
C'est dans ce cadre que la Fédération Wallonie-Bruxelles effectue un versement de 27.000 euros à l'orphelinat via "son organisme d'adoption agréé", nous précise le cabinet. Des retours inquiétants leur parviennent du Congo et les enfants ne s'y trouveraient plus dans des conditions optimales.
Mais les pressions diplomatiques des deux ministres font leur effet et les onze enfants arrivent finalement en Belgique en novembre 2015. Mais entre-temps, le parquet fédéral lance une enquête sur la directrice de l'orphelinat, la fameuse J.M.L..
Trois dossiers sur onze posent problème: relance de l'enquête
Il s'avère en effet que de ces onze enfants, trois cas ne répondraient pas aux conditions légales pour faire l'objet d'une adoption internationale et ces enfants seraient maintenant recherchés par les autorités congolaises. "Ces trois enfants sont pris en charge par les sections jeunesse des parquets locaux compétents afin de mettre en œuvre les mesures protectionnelles adéquates", précise le parquet.
Le réseau qui tourne autour de la juriste belgo-congolaise aurait ainsi fait kidnapper et détenir des enfants. Lorsque les familles adoptives belges étaient prêtes à mettre une grosse somme d'argent, l'adoption était ainsi favorisée. Le parquet fédéral parle maintenant de 60 adoptions dont la procédure n'aurait pas été respectée correctement. Et certains de ces enfants pourraient même ne pas être orphelins du tout.
C'est à se niveau que l'enquête et les perquisitions qui ont lieu jeudi doivent faire la lumière et c'est dans ce cadre que J.M.L. a été privée de liberté. Le parquet précise enfin que "dans l’intérêt de l’enquête et dans l’intérêt supérieur des enfants, aucun autre renseignement ou précision supplémentaire ne sera donné à l’heure actuelle."
On en est là aujourd'hui. Concernant les perquisitions dans son cabinet, le ministre Madrane a encore précisé que "s'il s'avère que des erreurs ont été commises par l'administration, je prendrai les mesures nécessaires".