Afrique du Sud: aux portes des orphelinats où échouent les bébés abandonnés

7 August 2019

South Africa: the doors of orphanages where abandoned babies fail

When the shrill alarm sounds in the Door of Hope orphanage in Johannesburg, all eyes are turned to a CCTV screen.

In the image, inside a "baby box", a metal cube embedded in the garden wall to collect abandoned children. Today is a false alarm. But the night before, when the alarm sounded, an infant was in the box. "A five-month-old boy, a healthy baby," says Francinah Phago, manager of this children's home run by the Door of Hope association. In 15 years, the former kindergarten teacher has seen dozens of children in this box installed in 1999.

About 3,000 children are abandoned each year in South Africa, according to the National Adoption Coalition. A figure that reflects only part of a problem that regularly makes headlines: often abandoned in their first weeks of life, sometimes in dangerous conditions, many children die before they are found again. According to specialists, the total number of drop-outs could rise to 10,000 per year.

"Baby F" is the 216th baby to join Door of Hope through this "hole in the wall". He is lucky, says Francinah, enjoying a rare moment of silence, while the seventeen toddlers of the house take a nap: "Many children are abandoned in the streets, on the side of the road, in parks or in toilets ". Like this infant dropped a few days earlier by the police, after being picked up in the street by a passer-by.

-The adoption taboo -

"Mothers who abandon their babies have often been abandoned themselves: by the child's father, their families, their community and society as a whole," says Dee Blackie, founder of the National Adoption Coalition. . After seeing a photo in a newspaper of a newborn baby left for dead in a landfill in the Soweto township, this mother decided to devote her career to it in 2015.

"We do not protect young women in this country," she says. According to her research, almost half of all pregnancies leading to abandonment result from rape. Many mothers are minors or immigrants, and only become aware of their condition after the legal deadline for abortion, set at 20 weeks in South Africa. In this country where almost half of the population lives below the poverty line, "they are in a desperate situation and are taking desperate measures".

At Door of Hope, mothers sometimes leave their children directly in the hands of employees. "Most of the time, they cry," recalls Francinah. "They love their child and do not want to leave it, but the situation requires them". Adoption "is a taboo in our black community," says Thuli Mahlangu, wringing his hands. Four years ago, when her only daughter told her that she was pregnant, this single mother, who went on limited-term contracts, was devastated: "It would be unfair to bring up a child in our situation. we survive. After long weeks, Thuli and her daughter decide to adopt the baby - without talking to most of their loved ones. "They consider that adoption is like throwing your baby," she stammers, in tears.

- Generation of orphans -

But the two women persevered: "you give up your beliefs, your traditions and you do what seems right to you". For several years, adoption agencies and children's rights associations have been concerned about a drop in the number of adoptions in the country: 1,186 children were adopted in 2018, four times less than in 2010. According to them, these figures will fall further: an amendment to the Children's Law proposed in October 2018 aims to eliminate adoption fees, which could push private agencies to close the door. The government defends the measure: "adoption should not be costly, it is a child protection measure, not a business," says Lumka Oliphant, director of communications at the Department of Social Development.

But the longer a child spends time with no fixed referral, the greater the risk of developing mental health problems, learning and emotional attachment, says Nicki Dawson, a psychologist at the Ububele pediatric health center. "I do not think we have taken into account the implications for society of these generations of children growing up in orphanages," says Dee Blackie.

Thuli and her daughter were lucky: six months after giving birth, the agency found an adoptive family for their baby. "We had the opportunity to meet the parents," recalls Thuli, who describes them as "the most beautiful souls in the world." As thousands of children wait for their turn in orphanages across the country, the little girl grows up in a new family. With a last gift from her biological family: at birth, they called her Siyamthanda - in Zulu, "We love you".

French:

Quand l'alarme stridente retentit dans l'orphelinat Door of Hope, à Johannesburg, tous les regards se tournent vers un écran de vidéosurveillance.

A l'image, l'intérieur d'une "boîte à bébé", un cube de métal incrusté dans le mur du jardin pour recueillir des enfants abandonnés. Aujourd'hui, c'est une fausse alerte. Mais la veille au soir, quand l'alarme a sonné, un nourrisson se trouvait dans la boîte. "Un petit garçon de cinq mois, un bébé en bonne santé", raconte Francinah Phago, gérante de ce foyer pour enfants tenu par l'association Door of Hope. En 15 ans, l'ancienne institutrice de maternelle a vu des dizaines d'enfants déposés dans cette boîte installée en 1999.

Environ 3.000 enfants sont abandonnés chaque année en Afrique du Sud, selon la Coalition nationale de l'adoption. Un chiffre qui ne reflète qu'une partie d'un problème qui fait régulièrement la une des journaux: souvent abandonnés dans leurs premières semaines de vie, parfois dans des conditions dangereuses, beaucoup d'enfants meurent avant même d'être retrouvés. Selon des spécialistes, le nombre total d'abandons pourrait s'élever à 10.000 par an.

"Baby F" est le 216e bébé à rejoindre Door of Hope à travers ce "trou dans le mur". Il a de la chance, assure Francinah, profitant d'un rare moment de silence, pendant que les dix-sept bambins de la maison font la sieste: "De nombreux enfants sont abandonnés dans les rues, sur le bord de la route, dans des parcs ou dans des toilettes". Comme ce nourrisson déposé quelques jours plus tôt par la police, après avoir été ramassé dans la rue par un passant.

-L'adoption taboue -

"Les mères qui abandonnent leur bébé ont souvent été elles-mêmes abandonnées: par le père de l'enfant, leurs familles, leur communauté et l'ensemble de la société", souligne Dee Blackie, fondatrice de la Coalition nationale de l'adoption. Après avoir vu dans un journal une photo d'un nouveau-né laissé pour mort dans une décharge du township de Soweto, cette mère de famille a décidé d'y consacrer sa carrière en 2015.

"Nous ne protégeons pas les jeunes femmes dans ce pays", estime-t-elle. D'après ses recherches, près de la moitié des grossesses qui mènent à un abandon sont issues d'un viol. Beaucoup des mères sont mineures ou immigrées, et ne prennent conscience de leur état qu'après le délai légal pour un avortement, fixé à 20 semaines en Afrique du Sud. Dans ce pays où près de la moitié de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, "elles sont dans une situation désespérée et prennent des mesures désespérées".

A Door of Hope, des mères abandonnent parfois leurs enfants directement entre les mains des employées. "La plupart du temps, elles pleurent", se souvient Francinah. "Elles aiment leur enfant et ne veulent pas le laisser, mais la situation les y oblige". L'adoption, "c'est un tabou dans notre communauté noire", explique Thuli Mahlangu en se tordant les mains. Il y a quatre ans, quand sa fille unique lui annonce qu'elle est enceinte, cette mère célibataire, qui enchaîne les contrats à durée limitée, est dévastée: "ce serait injuste d'élever un enfant dans notre situation. On ne vit pas, on survit". Après de longues semaines, Thuli et sa fille prennent la décision de faire adopter le bébé - sans en parler à la plupart de leurs proches. "Ils considèrent que l'adoption, c'est comme si tu jetais ton bébé", balbutie-t-elle, en larmes.

- Génération d'orphelins -

Mais les deux femmes ont persévéré: "tu abandonnes tes croyances, tes traditions et tu fais ce qui te semble juste". Depuis plusieurs années, les agences d'adoption et les associations de défense des droits des enfants s'inquiètent d'une chute du nombre d'adoptions dans le pays: 1.186 enfants ont été adoptés en 2018, quatre fois moins qu'en 2010. Selon elles, ces chiffres vont encore baisser: un amendement à la Loi de l'enfant proposé en octobre 2018 vise à supprimer les frais d'adoption, ce qui pourrait pousser les agences privées à mettre la clef sous la porte. Le gouvernement défend la mesure: "l'adoption ne devrait pas entraîner de frais. C'est une mesure de protection de l'enfant, pas un business", juge Lumka Oliphant, directrice de la communication du ministère du Développement social.

Mais plus un enfant passe de temps en foyer, sans référent fixe, plus les risques de développer des problèmes de santé mentale, d'apprentissage et d'attachement émotionnel sont grands, souligne Nicki Dawson, psychologue au centre de santé pédiatrique Ububele. "Je ne pense pas qu'on ait bien pris en compte les implications pour la société de ces générations d'enfants grandissant dans des orphelinats", approuve Dee Blackie.

Thuli et sa fille, elles, ont eu de la chance: six mois après l'accouchement, l'agence a trouvé une famille adoptive pour leur bébé. "On a eu la possibilité de rencontrer les parents", se souvient Thuli, qui les décrit comme "les plus belles âmes au monde". Alors que des milliers d'enfants attendent leur tour dans des orphelinats à travers le pays, la petite fille grandit dans une nouvelle famille. Avec un dernier cadeau de sa famille biologique: à sa naissance, elles l'ont appelée Siyamthanda - en Zulu, "Nous t'aimons".

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