Les homosexuels bousculent les règles de l'adoption

25 November 2009

Les homosexuels bousculent les règles de l'adoption

Agnès Leclair

25/11/2009 | Mise à jour : 14:02 | Commentaires 142 | Ajouter à ma sélection

Selon un sondage, 57 % des Français seraient favorables à l'adoption par des couples homosexuels (ici, deux Néerlandais se préparent à accueillir leur premier enfant). Crédits photo : ASSOCIATED PRESS

Depuis que la justice a autorisé une homosexuelle à adopter un enfant, le climat se tend entre les défenseurs de la famille et les associations de gays et de lesbiennes.

La récente décision du tribunal de Besançon d'accorder à une enseignante homosexuelle, vivant en couple, le droit d'accueillir un enfant a mis à jour des zones de flou dans notre système d'adoption. Pourquoi les agréments pour deux sont-ils réservés aux seuls mariés ? Pourquoi les couples liés par un pacs ou vivant en concubinage doivent-ils faire une demande en célibataire ? Les homosexuels ont-ils réellement le droit d'adopter ? De quoi nourrir le débat entre les associations familiales, les politiques de tous bords et les défenseurs des droits des homosexuels.

Plus d'une semaine après ce petit séisme et bien que le gouvernement ait clairement dit qu'il n'y aurait pas de projet pour réformer l'adoption en faveur des couples homosexuels, les idées fusent. Hervé Mariton envisage de déposer en 2010 une proposition de loi pour remettre au clair le système d'attribution des agréments. «Je ne pense pas que l'adoption devrait être ouverte aux célibataires», avance le député UMP. Cette modification de la loi de 1966 fermerait les portes de l'adoption aux homosexuels, aux couples pacsés et aux concubins, qui ne peuvent aujourd'hui recueillir un enfant qu'en tant qu'individus et non à deux. Le débat sur l'homoparentalité souhaité par Nadine Morano en 2012 pourrait donc prendre un peu d'avance. «De toute façon, la question de l'homoparentalité se posera l'année prochaine avec la révision des lois bioéthiques et l'examen de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux personnes seules, relève le député. Je ne vois pas pourquoi l'adoption par les célibataires serait autorisée puisque aujourd'hui l'aide médicale à la procréation est réservée aux couples.» Hervé Mariton partage par ailleurs une conception classique de la famille - un père, une mère et des enfants - avec nombre d'associations religieuses et familiales. «Pour l'enfant, la différence irréductible des sexes de ses parents est la base et le modèle qui lui permet de construire son identité et de se situer à sa juste place parmi d'autres» , a notamment écrit la Conférence des évêques de France. Gérard Bailly, le sénateur UMP du Jura, vient pour sa part de demander à l'État et au conseil général du Jura de faire appel de la décision du tribunal administratif de Besançon. De leur côté, les associations de défense des droits des homosexuels soulignent que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé en 2008 que les autorités françaises ne pouvaient, sous peine de discrimination, refuser l'agrément administratif préalable à la procédure d'adoption à un célibataire vivant en couple avec une personne du même sexe. Selon Caroline Mécary, avocate de l'enseignante homosexuelle, cet arrêt a été décisif.

Un appel des maires

Les associations homosexuelles jouent d'ailleurs la carte de l'Europe, et espèrent que nos voisins ayant légiféré en faveur de l'adoption par les couples de personnes du même sexe inspirent les autorités françaises. Leur demande est notamment appuyée par le député PS Patrick Bloche et Hélène Mandroux, maire PS de Montpellier, qui a lancé un appel des maires «pour l'ouverture du mariage aux couples du même sexe». Autre argument avancé par l'Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans : 57 % des Français seraient favorables à l'adoption par des couples homosexuels selon un récent sondage BVA. Cette semaine, le médiateur de la République a rejoint le débat, déplorant «l'incohérence de la situation actuelle, qui permet d'accueillir la demande d'une personne célibataire dissimulant son orientation sexuelle et refuse celle du demandeur qui en fait état». Jean-Paul Delevoye préconise aussi de compléter le dispositif de l'agrément afin que tout refus ou retrait soit motivé «par l'intérêt supérieur de l'enfant clairement et objectivement formulé».

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