«Le roman de Renan» : un doc sensible et sensé sur l’adoption homoparentale
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«Le roman de Renan» : un doc sensible et sensé sur l’adoption homoparentale
Dans le documentaire diffusé ce mardi soir sur France 2 Anne Gintzburger retrace le parcours d’un couple d’hommes et d’un enfant de 10 ans qui, malgré les épreuves, réussissent à s’adopter mutuellement.
Image extraite du documentaire le Roman de Renan d'Anne Gintzburger. (Chasseur d'étoiles)
par Aurore Savarit-Lebrère
publié le 15 juin 2021 à 19h52
Après des années de combat Philippe et François sont enfin devenus pères en adoptant Renan, 10 ans. Diffusé ce mardi sur France 2 le documentaire «Le roman de Renan» réalisé par Anne Gintzburger fait le récit de leur vie à trois. On y voit le jeune garçon découvrir pour la première fois ses deux parents venus le rencontrer au Brésil en juillet 2019. Renan accepte d’être adopté et de venir en France. Tout au long du film pères et fils apprennent à s’apprivoiser. N’hésitent pas à partager à voix haute leurs premiers ressentis mais aussi leurs premiers doutes. Petit à petit leur complicité se construit, des liens solides se nouent. «Ce film est un cadeau pour Renan, c’est l’histoire de sa vie, de sa renaissance avec nous en France. C’est comme un album en image de notre maternité avec François», explique Philippe à Libération.
Ce doc est la suite d’un premier sorti en 2018, intitulé Le Roman d’une adoption. Anne Gintzburger y suivait les deux hommes dans leur quête d’être pères depuis des années. Il s’achevait par l’échec du couple homo à adopter contrairement à un couple hétéro filmé en parallèle. «L’idée n’était pas nécessairement de faire une suite puisqu’eux-mêmes ne savait pas s’ils auraient un enfant et quand. Mais quand j’ai vu les premières vidéos de Renan j’ai eu le ressenti que cet enfant prenait son destin en main et qu’il pourrait comme ses parents porter une histoire dans laquelle il y aurait une intelligence, de la sincérité et de l’authenticité», affirme la réalisatrice.
Des enfants invisibles
Pour Marisa Drumond, vice-présidente et responsable des adoptions au Brésil de la Confédération Française pour l’Adoption (COFA) de Cognac qui a accompagné le couple et leur enfant, le film montre que l’adoption des enfants plus âgés peut être une réussite. «Des enfants invisibles, oubliés et mis à la marge… et pourtant si nombreux», regrette-t-elle. Avant de poursuivre : «Leur faute ? Etre soi-disant trop grands. Trop grands pour être adoptés. Donc, dans le monde entier, la majorité d ?entre eux grandit dans les foyers, dans les familles d’accueil, à la marge du monde de l’adoption, souvent sans avenir». Une difficulté encouragée selon elle par certains travailleurs sociaux et experts qui affirment à tort que l’adoption de ces enfants plus âgés est condamnée à l’échec.
«C’est une adoption plus complexe, et sa réussite est conditionnée à une bonne préparation des parents, de l’enfant, et a un accompagnement professionnel compétent, vigilant et bienveillant», résume Marisa Drumond. «C’est notre rôle, d’être un lien, une courroie de transmission, et de faire ce travail un peu technique qui serait bien pauvre si l’on n’y mettait pas d’humanité et de soutien à l’autre», abonde Jean-Marie Bremaud, membre de la COFA de Cognac, qui s’est également occupé de l’adoption de Renan. «Dire que l’adoption des enfants grands n’est pas possible c’est nier ce que le Roman de Renan démontre pourtant», assure Marisa.
«Je voulais un couple d’hommes»
Le documentaire permet également de balayer certains préjugés brandis notamment dans les milieux catho tradis et conservateurs dans le sillage de la Manif pour tous. «Cette histoire met à mal les clichés et fait la démonstration de manière éclatante que l’amour peut tout et qu’il y a bien des manières de faire famille», explique Anne Gintzburger. «Je voulais un couple d’hommes parce qu’il y a cette idée souvent répandue que seules les femmes auraient un désir d’enfant, je trouvais ça injuste et explorer la parentalité masculine m’intéressait», assure la réalisatrice. Tout en précisant : «Je ne voulais pas qu’on fasse ensemble un film qui brandirait des étendards en se limitant au militantisme. Il y a évidemment tout un contexte autour du mariage pour tous, de la loi Taubira, de la défense des droits des parents homos hommes et femmes, mais je voulais raconter une histoire de gens ordinaires qui n’avaient envie de parler que de leur désir de parentalité adoptive.»
C’est aussi ce qui a convaincu Philippe et François de dévoiler leur intimité malgré quelques hésitations. «Lorsque nous avons rencontré Anne, c’est devenu une évidence. Son approche est tellement intime, peu invasive, que nous lui avons immédiatement fait confiance. Nous avons senti qu’elle pourrait par le talent qu’elle a et sa manière de filmer, combattre cette situation avec nous», confie Philippe. Le couple – qui est l’un des premiers couples homosexuels à avoir candidaté au conseil départemental de l’Essonne – a en effet dû se battre durant six ans.
Un dossier mis de côté
Après avoir reçu leur premier agrément au bout de 9 mois en décembre 2014 pour adopter un enfant âgé entre 0 et 4 ans en France, puis obtenu, un mois après leur mariage en mai 2015, un second agrément pour adopter un enfant plus âgé à l’étranger, les deux hommes ont dû essuyer plusieurs échecs. Leur premier dossier pour un enfant français a été mis de côté. «Non pas pour une discrimination patente, mais parce qu’on nous a fait entendre que – même si la loi Taubira existait – ce n’était pas forcément ancré dans les mentalités de proposer un enfant français à un couple homo parental», explique Philippe. Le couple s’est alors tourné vers Médecins du monde qui a accepté leur dossier pour un enfant Brésilien avant de leur annoncer, deux ans après, que l’ONG arrêtait l’adoption internationale. Un moment difficile pour les deux hommes : «D’un seul coup nous avons dû repartir à zéro. On se retrouve avec ce doute immense de se dire que l’agrément est une chose mais que le chemin s’arrête là et ça, ça a été un long combat mais nous n’avons jamais renoncé avec François», conclut fièrement Philippe.
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