Le système français de l'adoption internationale, jugé "défaillant" par le président de la Cour des Comptes Philippe Séguin

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4 February 2009

Par Mathieu DESLANDES

Pour leJDD.fr

>>Des organismes inefficaces, des tarifs opaques, des transferts de fonds suspects... Mercredi prochain, lors de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes, les critiques vont s'abattre sur le système d'adoption internationale, jugé "défaillant" par le président de la Cour, Philippe Séguin. Une quarantaine d'associations françaises sont concernées.

Philippe Seguin fait un sort au système d'adoption. (Maxppp)

Philippe Seguin fait un sort au système d'adoption. (Maxppp)

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Selon nos informations, la Cour des Comptes s'est d'abord intéressée aux 42 associations autorisées à organiser des adoptions à l'étranger pour le compte de parents français. Cet "éparpillement", aux yeux de la Cour, n'est "pas du tout satisfaisant". D'autant que si certaines de ces associations ont atteint une taille suffisante pour être "efficaces", comme leurs homologues espagnoles ou italiennes, d'autres sont simplement portées par des couples qui ont déjà adopté mais souhaitent prolonger leur aventure avec d'autres candidats. Ceux-ci sont encouragés à se "professionnaliser" et à "mutualiser" leurs compétences.

La Cour s'étonne aussi de constater une "disparité des services rendus comme des coûts affichés" d'une association à l'autre. Celles-ci répondent que les "tarifs" varient forcément selon les pays. Entre les frais administratifs, les honoraires d'avocats, les frais médicaux et le don plus ou moins obligatoire à l'orphelinat, une adoption "coûte" autour de 2 000 euros au Mali, un peu plus de 5 000 euros en Chine, 2 500 euros en Colombie, entre 5 700 et 8 000 euros au Vietnam selon les provinces... Sans compter les frais de déplacement et l'hébergement. La Cour exige donc "plus de transparence".

Une partie des frais versés en liquide

L'Agence française de l'adoption (AFA), qui accompagne les familles désireuses de ne pas passer par une association, est quant à elle accusée d'avoir un peu "perdu de vue le but de l'adoption: donner des parents à des orphelins et non pas donner à tout prix des enfants à des parents". Il lui est également reproché de ne pas faire remplir de questionnaires de qualité aux familles. En fouillant dans les comptes de l'AFA, les magistrats de la rue Cambon sont aussi tombés sur des transferts de fonds suspects. "Dans certains pays, on nous demande de régler une partie des frais en liquide. Mais l'AFA, comme toute agence d'Etat, ne peut faire que des virements. Donc nous sommes obligés d'utiliser des voies détournées", justifie Laure de Choiseul, la directrice générale de l'AFA.

"Au Vietnam, poursuit-elle, j'ai dû ouvrir un compte au nom de mon correspondant local et c'est lui qui se charge de retirer des espèces. Cela fait des mois que je réclame un RIB au directeur vietnamien de l'adoption. Il me dit que c'est impossible avant 2011. Vu de la rue Cambon, ce n'est pas facile à comprendre. Mais c'est comme ça." Cherchant décidément la petite bête, la Cour s'est aussi intéressée à l'utilisation des "miles" récoltés par les dirigeants de l'AFA au cours de leurs multiples voyages en avion... "Les miles sont toujours sur ma carte, vous voilà bien avancés", répond Yves Nicolin, député UMP et président de l'AFA.

Restait à faire un sort à l'instance qui chapeaute tout le système, l'Autorité centrale pour l'adoption internationale. Philippe Séguin la trouve carrément "effacée et dessaisie". Mais son ministère de tutelle, le Quai d'Orsay, assure que la situation sera corrigée par la réforme de l'adoption - en cours - portée par Rama Yade.