Polémique en France autour de l’adoption des enfants haïtiens
Ils ont attendu onze mois. Pour les parents adoptifs, ce sont « les plus belles fêtes de Noël que l’on puisse s’imaginer ». Enfin réunis, ils peuvent tenir leurs nouveaux petits dans les bras. Le pédopsychiatre Pierre Lévy-Sousson comprend l’émotion que suscite ce rapatriement accéléré. Néanmoins, il critique sévèrement le processus. Selon lui, l’arrivée de ces enfants haïtiens qui d’ailleurs ne sont pas des orphelins, ils ont toujours leurs parents, s’est faite dans la précipitation.
« A chaque fois, dans l’adoption, que l’on accélère les procédures juridiques, que l’on ne vérifie pas leur qualité et leur efficacité, il y a un grand risque de trafic d’enfants. Pour Haïti, ce risque est encore plus grand car ce pays n’a pas signé la convention de La Haye. En plus, le séisme du 12 janvier 2010, a dévasté le pays et réduit à néant toutes les structures juridiques, sociales propres à vérifier le statut de l’enfant. »
Un rapatriement rapide aurait pu sauver des vies
Les parents adoptifs ne partagent pas cet avis. Depuis des mois, ils avaient demandé au ministère des Affaires étrangères d’accélérer leur dossier. Emmanuelle Guéry, présidente du collectif, SOS Haïti enfants adoptés, affirme : « Au lendemain du séisme, on avait demandé un accord franco-haïtien et la possibilité d’étudier les dossiers. Tout cela a été finalement fait en un mois par la ministre des Affaires étrangères, Michelle Alliot-Marie ».
Onze mois d’attente, pendant lesquels 6 enfants sont morts, victimes du choléra. Des morts que l’on aurait pu éviter si la France avait réagi comme d’autres pays estime l'avocat du Collectif SOS Haïti Enfants adoptés, David Koubbi, qui rappelle que les Etats-Unis et le Canada avaient rapatrié des enfants adoptés dès le mois d’avril 2010.
L’adoption internationale, un véritable parcours du combattant
Le dossier de la demande d’adoption doit être accepté par les organismes français et ensuite par le pays d’origine de l’enfant. En l’occurrence, la procédure d’adoption déjà en cours avant le séisme du 12 janvier 2010 a été bloquée par la suite. Après la destruction de presque toute l’administration haïtienne, des documents comme les actes de naissance ont disparu. Or, les parents adoptifs doivent fournir aux autorités françaises les originaux des décisions d’adoption, comme justement l’acte de naissance.
C’est seulement après avoir vérifié ces documents que le juge français se prononcera sur l’adoption définitive. C’est une procédure qui peut prendre des mois, voire des années. Dans le cas haïtien, il était finalement convenu de rapatrier les enfants le plus vite possible après le tremblement de terre. Une initiative qui pourrait se retourner contre les enfants, estime le pédopsychiatre Pierre Lévy-Soussan.
« Ce que l’ancien ministre des Affaires étrangères avait favorisé, c’est d’avoir un cadre juridique sûr. Avec une vérification qui prend du temps pour faire en sorte que l’enfant soit adoptable, que l’adoption soit légitime. Si vous ne prenez pas ces précautions, il se peut que l’adoption soit un échec. »
Un traitement de faveur pour les enfants haïtiens ?
Dans un premier temps, les enfants ont bénéficié d’un traitement de faveur, par volonté politique avec cet accord franco-haïtien. Mais maintenant, ce sont les juges qui reprennent le dossier. Et l’expérience montre que pour les petits haïtiens arrivés en France, les soucis ne font que commencer.
Selon Céline Boyard, vice-présidente de la fédération, Enfance et familles d’adoption, 600 enfants sont déjà arrivés depuis janvier 2010. « Ils avaient tous les papiers, beaucoup plus que ceux qui sont récemment arrivés, et c’est le chantier devant les tribunaux. Les familles ont toutes les difficultés pour obtenir la conversion en adoption plénière française. »
Ces obstacles juridiques ne se limitent pas à la France. Selon Céline Boyard, aux Pays-Bas et en Allemagne, les familles se battent elles aussi devant les tribunaux. Il est impossible de faire adopter des enfants haïtiens sans documents.